Bulletin Officiel de l'Education Nationale | N°47 du 17 décembre (1998) |
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ENSEIGNEMENTS
ÉLÉMENTAIRE ET SECONDAIRE
PROGRAMMES
Oeuvre cinématographique inscrite au
programme de l'enseignement de lettres en lycée
NOR : MENE9803108N
RLR : 524-7
NOTE DE SERVICE
N°98-254 DU 10-12-1998
MEN, DESCO A3
Texte adressé aux recteurs d'académie ; aux inspecteurs pédagogiques régionaux - inspecteurs d'académie ; aux chefs d'établissement ; aux professeurs
o Une
uvre cinématographique, la Règle du jeu de Jean Renoir,
est inscrite au programme de l'enseignement de lettres pour
l'épreuve correspondante du baccalauréat général (B.O. n° 29
du 16 juillet 1998).
Cette uvre est mise
à la disposition des classes dans chaque établissement public
ou privé sous contrat d'association avec l'État sur support
vidéo VHS. La distribution est prise en charge par le Centre
national de documentation pédagogique. Des exemplaires
supplémentaires de la cassette sont adressés dans les centres
régionaux et départementaux de documentation pédagogique.
L'acquisition par l'État
des droits de représentation de l'uvre aux fins
d'enseignement scolaire permet aux professeurs et aux élèves
d'utiliser librement la cassette en classe.
D'autre part, la
possibilité est offerte aux professeurs et aux élèves
d'assister à une projection du film pendant l'année scolaire en
salle de cinéma, grâce au tirage de copies neuves effectué par
le Centre national de la cinématographique (CNC).
L'organisation des séances
de projection se déroulera de la manière suivante :
- l'ensemble des
exploitants de salle a été informé de cette opération et de
ses conditions par la fédération nationale des cinémas
français et le CNC ;
- les proviseurs et les
professeurs prendront contact avec l'exploitant le plus proche de
l'établissement scolaire pour demander une projection ;
- les projections ayant
obligatoirement lieu dans le cadre commercial, seul l'exploitant
sera habilité à demander une copie du film auprès du
distributeur "Les grands films classiques", en
informant parallèlement l'Agence pour le développement
régional du cinéma qui aidera le distributeur à planifier la
circulation nationale des copies ;
- les projections sont
exclusivement réservées aux lycéens des classes terminales de
lettres et à leurs professeurs ;
- le prix du ticket de
salle a été fixé à 15 F par élève et par séance. Chaque
enseignant accompagnateur bénéficiera d'une entrée gratuite.
Je précise que cette
opération est une possibilité offerte aux élèves de
découvrir le film de Jean Renoir dans les conditions d'une
projection traditionnelle à partir du support filmique qui lui
est naturel et qu'elle devrait permettre aux exploitants qui
accepteront d'y participer de faire connaître aux élèves la
valeur de leur profession.
Par ailleurs une analyse du
film par Jean Douchet réalisée par Pierre Oscar-Lévy est
également envoyée dans les établissements scolaires par le
CNDP.
Cette analyse, uvre
d'auteur, est une étude du film parmi d'autres. Le point de vue
de son auteur et ses partis pris participent de choix
sociologiques et esthétiques argumentés et de qualité, mais
qui n'ont aucunement valeur de modèle. Elle doit donc être
considérée comme un outil de travail pour les professeurs qui
feront ou non le choix de l'utiliser avec leurs élèves.
Enfin, vous trouverez ci-après des recommandations pour l'étude d'une uvre cinématographique dont le contenu est de nature à vous apporter une aide méthodologique pour la conduite de ce travail dans l'enseignement des lettres.
Étude d'une uvre cinématographique dans l'enseignement des lettres
L'étude d'une uvre cinématographique inscrite au programme de l'enseignement des lettres dans les classes terminales (séries L et ES) représente l'aboutissement d'une initiation à la réception, l'analyse et l'interprétation de l'image, commencée dès le début de la scolarité de collège. La maîtrise du mode d'expression et de communication que constituent les discours dont l'image est le support essentiel est l'un des objectifs généraux de l'enseignement du français. L'image n'est pas tenue pour une illustration accessoire, mais pour un objet d'analyse, dont l'étude permet, sur le plan pédagogique, d'éduquer le regard, d'enrichir la sensibilité, de stimuler l'imagination, d'éveiller l'esprit critique et de développer l'expression, en même temps qu'elle amène à découvrir un aspect important du patrimoine culturel. Le professeur fait progressivement prendre conscience à ses élèves des ressources dont dispose le réalisateur de cinéma ou de télévision pour raconter une histoire, pour créer la tonalité d'un film, pour préciser la psychologie des personnages, pour marquer les rapports entre eux et pour suggérer sa vision de la société et du monde. À cet effet, il fait acquérir les notions élémentaires requises pour l'étude des modalités d'expression spécifiques du cinéma (éléments d'organisation du cadre fixe ou en mouvement, art et esthétique du montage, relations entre les images, les bruits, la musique et la parole, etc.).
L'étude d'un film au lycée associe trois types d'investigation : l'analyse du récit, l'analyse stylistique, l'étude des contextes.
L'analyse du récit filmique porte sur :
- la structure dramatique et
ses effets ;
- le temps : temps,
chronologie, durée, vitesse de l'action ; durée, ordre, vitesse
de sa représentation dans le récit filmique ;
- l'espace : les lieux de
l'action ; la représentation de l'espace (champ et hors-champ,
cadre naturel ou décors réalisés en studio, espaces diurnes ou
nocturnes, intérieurs ou extérieurs) ;
- les personnages :
caractérisation (aspect physique, vêtement, voix, choix de
l'acteur, interprétation), relations et interactions entre les
personnages ;
- les dialogues ;
- les formes d'expression
écrite (titre, intertitres, sous-titres ou cartons) ;
- les points de vue et leurs modalités (modes d'expression,
choix et nature des informations) ;
- des séquences clefs
(générique, séquences d'exposition et de conclusion, première
apparition des protagonistes, etc.).
L'analyse stylistique dégage les figures récurrentes qui caractérisent l'esthétique du réalisateur et aborde la question de la spécificité de la représentation au cinéma. Elle s'appuie sur :
- l'organisation de l'image
(cadrages, mouvements d'appareil, composition, lumière,
couleurs, etc.) ;
- le montage (articulation
des plans entre eux, enchaînement des séquences) ;
- l'articulation des
éléments sonores (bruits, paroles, musiques) ;
- les relations entre
l'image et le son ;
- le jeu des acteurs ;
- le ton ou le registre
(épique, comique, tragique, etc.) ;
- le genre, défini par
quelques caractères formels ou thématiques hérités de la
tradition (western, film policier, comédie dramatique, comédie
musicale, fantastique etc.).
L'étude des contextes du film et de l'intertextualité, toujours en appui à l'analyse, s'intéresse à :
- la vie et l'uvre du
réalisateur ;
- la situation du film dans
l'histoire du cinéma (courants, genres, écoles) ;
- le contexte historique de
la réalisation et de la diffusion du film ;
- les relations esthétiques entre le film et des uvres
littéraires, picturales, musicales ou cinématographiques ;
- la genèse du film, les
étapes de sa fabrication (synopsis, scénario, dessins ou
maquettes préparatoires, photographies de tournage, témoignages
des collaborateurs, etc.) ;
- la réception du film
(réactions du public et de la critique au fil des années).
L'adaptation cinématographique d'une uvre littéraire (roman ou pièce de théâtre) constitue un cas particulier. L'étude conjointe d'une uvre littéraire et de son adaptation cinématographique permet de comparer les modes d'expression respectifs de ces deux formes artistiques. Le professeur détermine des axes de lecture propres à l'uvre romanesque ou théâtrale et les confronte, en séances alternées ou durant une même séance, à ceux qui sont spécifiques de l'uvre cinématographique. Il analyse les ressemblances et les différences entre le récit littéraire et le récit filmique, à propos de l'organisation des unités narratives, du traitement des personnages, des descriptions, des points de vue, de l'expression du temps, etc.
L'étude d'une uvre filmique intégrale s'effectue dans les mêmes conditions de durée que celle d'une uvre littéraire intégrale, soit dix à douze heures.
Il est important que les
élèves découvrent une première fois le film en une seule
projection, organisée en dehors des heures de cours. L'étude
d'un film supposant, comme celle d'une uvre littéraire,
des relectures, il est souhaitable qu'ils le revoient ensuite
plusieurs fois à loisir.
L'étude, qui combine les trois types d'investigation cités
ci-dessus, associe vues d'ensemble et examen de détails. Elle
s'appuie sur l'analyse de séquences, de plans, d'images
arrêtées, de courts extraits soigneusement délimités. Elle
peut s'aider d'une transcription écrite du film, utilisée avec
discernement. Il est utile de faire observer attentivement et
plusieurs fois quelques brefs passages, en limitant la durée de
chaque visionnement à deux ou trois minutes.
Terminologie
L'étude d'un film ne nécessite pas chez le professeur de lettres une compétence spécifique dans le domaine des techniques du cinéma. Les méthodes d'analyse narratologique et sémiologique que requiert l'étude des uvres littéraires s'appliquent en effet avec la même pertinence à celle des uvres cinématographiques. Il suffit d'y ajouter la connaissances de quelques notions spécifiques et d'une brève terminologie appropriée.
Les unités constitutives de l'uvre filmique
L'étude de l'uvre
filmique est fondée sur l'analyse des unités qui la constituent
et de leurs liaisons établies par le montage :
- la séquence, ensemble de plans formant une unité narrative
définie selon les unités de lieu, de temps et d'action ;
- le plan, unité d'origine technique (en ce sens, il s'agit de
la portion de film impressionnée par la caméra entre le début
et la fin d'une prise de vue, et gardée sans coupure au
montage).
Le cadrage
Le cadrage est l'organisation
de l'image délimitée par les quatre côtés de l'écran
(champ), jouant sur l'échelle des plans, les angles de prises de
vues, la profondeur de champ, l'éclairage et les mouvements de
caméra.
Les champs
Le champ est l'espace visible
à l'écran. Il est délimité par le cadre.
Le contrechamp est la portion d'espace opposée à la
précédente. Un dialogue entre deux personnages peut par exemple
montrer tour à tour chacun des deux interlocuteurs dans un
montage "champ-contrechamp".
Le hors-champ est l'espace
contigu au champ, non visible à l'écran, comprenant ce qui se
passe hors du cadre, par exemple ce que voit ou entend un
personnage, sans que le spectateur puisse voir ce que voit ce
personnage. Le son est dit "off" lorsqu'il émane d'une
source située hors-champ, donc non visible à l'écran.
La profondeur de champ
montre en perspective un premier plan et un arrière-plan
également nets. Il permet par exemple de présenter
simultanément des personnages, des objets ou des actions proches
et éloignés.
L'échelle des plans
Le plan général ou plan
d'ensemble montre l'ensemble d'un décor ou d'un paysage, dans
lequel peuvent être intégrés des personnages.
Le plan de demi-ensemble
présente le personnage dans son environnement.
Le plan moyen présente le
personnage en pied.
Le plan américain cadre le
personnage à mi-cuisse.
Le plan rapproché cadre le
personnage à la ceinture ou à la poitrine.
Le gros plan cadre le
personnage au visage.
Le très gros plan isole un détail.
L'échelle de plan peut varier à l'intérieur d'un même plan
grâce au panoramique ou au travelling.
Les angles de prise de vues
Les angles de prise de vues
sont définis par l'emplacement de la caméra.
La plongée est une prise de vues faite d'un point d'observation
plus élevé que le sujet.
La contreplongée est une
prise de vues faite d'un point d'observation moins élevé que le
sujet.
L'angle plat est une prise
de vues faite d'un point d'observation situé au même niveau que
le sujet. C'est le cas le plus courant de prise de vues.
Les mouvements de caméra
Le panoramique est le mouvement
de la caméra qui pivote sur son axe de droite à gauche, de
gauche à droite ou verticalement, vers le haut ou vers le bas.
Le travelling est le
mouvement par lequel la caméra se déplace dans l'espace. Il
peut être travelling avant (la caméra s'approche du sujet
filmé) ou travelling arrière (la caméra s'éloigne du sujet
filmé), tavelling latéral (la caméra accompagne une action ou
parcourt un décor),travelling ascendant (la caméra s'élève
au-dessus du sujet filmé) ou travelling descendant (la caméra
descend par rapport au sujet filmé).
Le zoom est un travelling
avant ou arrière réalisé à l'aide de l'objectif-zoom, sans
déplacement de la caméra.
Le montage
Le montage est
l'opération technique qui consiste à coller les plans bout à
bout. Au sens esthétique, le terme désigne l'ordre et
l'enchaînement des plans et des séquences.
Le montage organise le récit et en commande l'ordre, le rythme
et le sens.
Le montage chronologique présente l'action dans l'ordre de son
déroulement.
Le montage parallèle
juxtapose des actions éloignées dans le temps ou l'espace.
Le montage alterné juxtapose des actions simultanées.
L'analepse ou flash-back
est un retour en arrière.
La prolepse est, à
l'inverse de l'analepse, l'annonce d'un événement ultérieur.
L'ellipse fait passer
instantanément d'un point du temps à un autre, sans faire
mention des événements, généralement attendus, qui se sont
déroulés durant la période ainsi omise, mais en laissant le
spectateur les imaginer ou s'interroger sur eux.
Le montage agence les
liaisons (ponctuations ou césures) entre les plans ou les
séquences.
Le montage "cut"
fait se succéder les plans de façon abrupte, avec un effet
comparable à celui de l'asyndète.
Le raccord marque la
continuité de deux plans successifs, soit que la caméra filme
les deux plans dans le même axe (raccord dans l'axe), soit
qu'elle accompagne le mouvement d'un personnage (raccord dans le
mouvement), soit qu'elle montre ce qu'il regarde
(raccord-regard), soit que la bande son assure la continuité
sonore (raccord sonore).
Les fondus assurent un
enchaînement. Le fondu au noir, en début ou en fin de plan,
fait apparaître ou disparaître progressivement l'image. Le
fondu enchaîné fait disparaître progressivement la fin d'un
plan en lui superposant graduellement le début du suivant.
La fin d'un plan ou d'une séquence peut être aussi soulignée
par un effet musical ou visuel indépendant du seul montage.
Le cinéma est, par son
histoire comme par ses modes de représentation, un art de
l'illusion et, pour créer l'illusion, il peut recourir à des
moyens nombreux et variés : emploi de doublures, cascades,
utilisation de maquettes, images virtuelles, ralentis,
accélérés, fondus, inserts, iris, inversion de bande, trucages
et effets spéciaux.
Pour le ministre
de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie et par délégation,
Le directeur de
l'enseignement scolaire Bernard TOULEMONDE
Le directeur de la technologie Pascal COLOMBANI