QUELQUES
REPERES SUR UN DISPOSITIF
DE TRAVAIL INFORMATISE
à l'école élémentaire
Les enseignants se doivent de songer au dispositif de travail lorsqu'ils mettent en place l'outil informatique dans la classe ; cette réflexion est encore plus nécessaire si l'on envisage une utilisation quantitativement importante ou si l'on prend le parti de donner un rôle central à l'informatique et aux nouvelles technologies dans les apprentissages. Ainsi, se pose concrètement le problème de l'intégration à la vie de la classe. Nous pensons, il est vrai, à un mode de fonctionnement où l'ordinateur ne serait plus à la périphérie de la classe, seulement comme une sorte de machine à écrire moderne, permettant de mettre au propre, en vue de les diffuser, des textes, documents à socialiser. On peut alors considérer les choses sous un angle matériel, technique et sur un plan plus pédagogique : voici quelques conseils élémentaires qui ne prétendent qu'au bon sens et à alimenter la réflexion des collègues.
L'ordinateur est
considéré ici comme un outil
au service des apprentissages disciplinaires ou plus
transversaux.
Les remarques qui suivent peuvent s'appliquer à diverses modalités de fonctionnement :
atelier spécifique dans une salle informatique spécialisée, un laboratoire, |
petit ensemble de postes en réseau installés au fond d'une classe traditionnelle, voire deux ou trois postes isolés, |
classe atelier utilisant entre 6 et 10 PC, multimédias et connectés, qui touchent une bonne partie des activités pédagogiques... |
Observations sur un plan pratique ou technique
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Incontournable : un apprentissage spécifique du clavier pendant les premiers jours et le travail du doigté par la suite sont fructueux ; ce ne sera jamais du temps perdu. L'usage de didacticiels pour le clavier et la frappe (il existe des logiciels bon marché et des distribuciels en ce domaine) peut être judicieux : une bonne maîtrise du clavier favorise la frappe du texte, l'entrée des commandes ou des données. On peut penser que si un minimum d'automatisme n'est pas acquis, le travail sur ordinateur sera coûteux et par là-même stressant, peu motivant. Faire écrire ou réécrire exige encore plus de compétence, bien évidemment ; surtout si l'on envisage véritablement d'utiliser le traitement de texte comme outil de production, de réécriture. |
Plus généralement, au delà du clavier, il est clair qu'un usage peu fréquent, trop disséminé des logiciels, induit le syndrome du magnétoscope : ainsi un adulte, faiblement passionné par la vidéo, a-t-il besoin à chaque fois de regarder la documentation pour savoir comment programmer l'enregistrement d'un film... De même, si l'on utilise peu les logiciels ou les cédéroms, les enfants, à chaque séance, cherchent les touches, l'accès aux fonctions etc. Un minimum de pratique hebdomadaire régulière est nécessaire pour acculturer au clavier, à la souris et aux principes d'une interface graphique... Il nous semble alors clair qu'on doit situer les problèmes dans le cadre d'une politique de cycle (cycle 2 / cycle 3). L'informatique au service de la pédagogie est encore une contrainte qui incite à travailler en équipe ! |
La disposition des systèmes informatiques doit, bien sûr, être pensée en termes d'ergonomie et pas seulement de sécurité, de contraintes matérielles : veiller au confort, à la bonne position des élèves, surveiller l'éclairage au fil de la journée et le placement adéquat des moniteurs (écrans) pour éviter la fatigue physique ou visuelle, le stress. Une distance entre 50 et 70 cm semble la bonne, avec des polices d'affichage standard. Penser encore à réduire au mieux les reflets de tout éclairage électrique sur les écrans en les disposant de façon efficace.
«Un écran traité
contre les reflets, placé perpendiculairement aux
fenêtres et à hauteur des yeux, des caractères sombres
sur fond clair, et des pauses de cinq minutes toutes les
heures : voilà les premières mesures à prendre pour
améliorer son confort visuel.» L'ordinateur Individuel, avril 98, n° 94, dossier d'Eric Connehaye, «Comment bien s'installer devant son PC». |
Origine de l'image : P.Pelletier |
Le réglage de la luminosité et du contraste doit être laissé à la convenance de l'utilisateur, pour son confort personnel ; cela évite, semble-t-il, de la fatigue visuelle. Il peut être changé selon les moments de la journée et l'éclairage ambiant pour limiter la fatigue oculaire. La pratique de l'informatique ne provoque pas de troubles visuels, si l'écran est de qualité et tous les réglages sont pertinents ; cela dit, elle contribue à révéler des défauts visuels comme la myopie... chez les enfants comme chez les adultes. Faire consulter un ophtalmologiste en cas de doute. Des filtres anti-reflet peuvent améliorer le confort sur certains moniteurs. |
Des sièges réglables en hauteur semblent utiles : les enfants ont des tailles différentes et une mauvaise position fatigue le dos. Des claviers ergonomiques avec des repose-poignets ne sont pas forcément un luxe pour prévenir les crampes de la main, du poignet.
Consulter, pour plus d'informations, Les ordinateurs : variables ergonomiques à considérer en milieu d'enseignement, de Pierre Pelletier.
Apprendre tout de suite aux enfants à respecter les consignes pour allumer et éteindre les machines ; veiller en particulier à faire procéder à une fermeture propre des applications, à la bonne clôture du système surtout avec Windows 95 ... Cela évitera des problèmes techniques et une perte de temps liée à des machines qui dysfonctionnent. Ce travail d'ailleurs peut être conçu dans une perspective socialisante de civilité et de respect des autres ; sa dimension transversale est indéniable.
L'adulte responsable de l'atelier veillera à rappeler aux enfants de procéder à des sauvegardes de leurs fichiers ; il songera en amont à paramétrer au mieux les logiciels dans ce sens : sauvegarde automatique régulière toutes les 10-15 minutes, option de sauvegarde des fichiers backup activée, surtout avec le TdT pour préserver des jets antérieurs toujours utiles, en plus à analyser, confronter. De telles précautions sont utiles en cas de coupures de courant, de bavures de l'utilisateur, de pannes matérielles. Quand on travaille sur des projets importants, un archivage régulier de sécurité s'impose également: le pire est toujours possible en informatique avec les virus ou un crash du disque dur.
Penser à faire des documents
papiers synthétiques, du genre de l'aide mémoire, des modes
opératoires, songer à des affiches outils, collectives et bien
visibles, sur les grandes fonctions ou procédures
des logiciels utilisés ; veiller à les faire utiliser
régulièrement. Les enfants apprennent vite ainsi les gestes
techniques, préalables à toute production. De même,
l'apprentissage du fonctionnement de l'aide intégrée aux
logiciels peut libérer beaucoup : souvent les aides internes,
les assistants sont très bien faits et permettent une meilleure
autonomie des élèves, quand ils ont l'initiative de les
consulter.
Quand cela est possible, penser à réduire les fonctions
des menus, les icônes dans les barres d'outils aux seuls
éléments utiles. Voir en ce domaine les TdT modernes qui
disposent d'options de personnalisation :
bien les adapter aux besoins et capacités des enfants évitera
des recherches inutiles, préviendra des erreurs. Avec le temps
et les compétences croissantes, on fera évoluer les
possibilités dans le sens de l'enrichissement et de la
découverte. On pourrait objecter à ce point de vue l'idée que
la présence d'une icône, d'une option de menu attire
l'attention et amène à s'emparer de nouvelles possibilités. En
dernière analyse, il faut réagir et choisir en fonction de son
public, de la curiosité et des compétences des élèves. En
tout cas, une logique d'évolution, d'enrichissement s'impose. Il
convient aussi de se rappeler qu'une secrétaire professionnelle
ou un cadre supérieur utilise seulement 20% des fonctions d'un
TdT moderne, d'un tableur puissant.
Prévoir un espace, un plan de travail utile permettant des interactions avec le papier : la prise de notes sur feuille volante ou cahier de brouillon, l'utilisation de feuilles de route, de grilles, de livres éventuellement doivent être facilitées. Sinon, bien voir que l'on s'engage vers une modalité de fonctionnement très orientée, celle du tout numérique, du tout électronique : dérive potentielle ? Il s'agirait plutôt de faire coopérer le jeune Mac Luhan et le bon vieux Gutenberg !
L'utilisation de moyens collectifs de présentation favorise le travail en atelier, sa bonne orchestration ; le recours à ces auxiliaires est d'autant plus nécessaire que le groupe est important. En fonction des moyens, on utilisera divers outils :
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Avec ces moyens, le maître peut commenter, animer, présenter des écrans etc. et pas seulement sur un plan technique ! Cela dit, un fonctionnement pédagogique qui essaie d'optimiser l'usage des NTIC dans la classe remet en question un modèle frontal et une pédagogie de l'ostension ; le maître avec l'informatique peut enseigner non plus seulement face à la classe, mais aussi «par derrière l'épaule». On peut penser toutefois que quelques moments de type transmissif peuvent être efficaces, s'ils restent localisés, ponctuels avec des objectifs très clairs. Enfin, lors de mises en commun, des confrontations ces outils sont évidemment très fonctionnels.
Réflexions sur un plan plus pédagogique
Même si l'on possède
suffisamment de micros, on peut croire qu'il est intéressant de
placer plusieurs élèves devant un même poste, pour favoriser
des échanges et des interactions. Des binômes ou des trinômes
constituent sans doute un dispositif idéal en vue d'un travail
coopératif. On peut croire que mettre les enfants en
situation de résoudre des problèmes complexes en équipe, en
coopération sur un plan local voire à distance via un réseau
comme l'Internet sera profitable aux apprentissages. Le travail
à distance, avec des équipes sur un autre site, oblige à
communiquer par l'écrit (messagerie, chat): voir l'aspect
positif du passage obligé par l'explicitation verbale écrite,
l'intérêt des conflits dits socio-cognitifs qui ne peuvent que
surgir etc. Le réseau Internet permet une forme nouvelle de téléprésence
à bien exploiter, le recours à des compétences externes : on
peut faire appel à des experts extérieurs grâce à des forums,
en formulant des questions et des demandes. Un des principaux
intérêts réside dans le traitement en quasi temps réel : le
Net abolit l'espace et le temps, en quelque sorte, si l'on fait
abstraction du problème de la langue.
Contrairement à beaucoup de légendes, l'informatique n'isole
pas les individus, ne les incite pas au repli sur eux-mêmes
en tout cas, pas plus que la lecture, vice solitaire par
essence ; bien au contraire, elle peut susciter des dialogues,
des coopérations, des tutelles entre pairs. Prenez la peine
d'observer les enfants : par opposition à la télévision, les
rassemblements devant un moniteur ne sont pas passifs ; de
nombreux échanges et interactions se mettent spontanément en
place. Il s'agit donc simplement de les favoriser et de les
exploiter en faveur des apprentissages : le tutorat entre pairs
constitue une forme de ces interactions, il favorise la
réflexion et bénéficie aussi bien à l'élève avancé qui
explique, aide etc. qu'à celui qui est demandeur.
Il convient dans le but de rendre possible le travail en commun de disposer les ordinateurs de façon à favoriser, inciter un authentique travail en équipe : l'idéal, comme pour tout travail de groupe, est de placer chaque équipe sur un bureau différent équipé d'un seul ordinateur. Prévoir de disposer les tables, si l'on peut, de manière à limiter les sources et occasions de distractions mutuelles. Cela dit, des interactions entre les groupes peuvent être profitables et mises en musique par le maître. Dans ce sens, si l'on a une grande salle spécialisée, l'usage d'une messagerie interne entre les groupes peut être une piste, en vue d'un travail plus coopératif. Dans la même direction, songer aux possibilités en réseau local de partage de ressources : répertoires et fichiers ... Ces ressources peuvent être de natures diverses : données brutes, notes, documents, textes voir outils. | ![]() |
Comme dans un travail de groupe
habituel, il faut progressivement sensibiliser les élèves à
assumer un rôle spécifique au sein de
l'équipe et bien faire partager les tâches : il faut
apprendre à s'organiser et travailler de façon efficace, ce qui
ne se décrète aucunement. Au début, cela a un coût à assumer
: la démarche peut sembler un peu chaotique, hésitante, mais
les interactions seront sans doute profitables et le dispositif
se rodera. Un secrétaire du groupe peut ainsi prendre des
notes pour garder les consignes passées par le maître,
fixer les remarques des membres de l'équipe, voire des élèves
d'un autre groupe interagissant ou, au fil de la tâche, noter un
résultat, un contenu lu sur l'écran etc. On peut croire qu'un
animateur désigné ou choisi, responsable de l'équipe,
permettra de garder une bonne cohésion du groupe.
Concrètement, dans un dispositif de réécriture à trois
par exemple, après un moment commun, un élève
secrétaire peut frapper pendant qu'un autre relit sur l'écran
et contrôle l'orthographe ou le bas niveau linguistique, enfin,
un troisième peut aider le secrétaire à reformuler,
améliorer, enrichir le texte. Bien sûr, des rotations des
tâches au fil des jours sont nécessaires : pas question de
fabriquer des élèves sur le modèle des ouvriers spécialisés
dans une perspective taylorienne de rendement ! Pas question
de pérenniser les seules compétences acquises et d'enfermer
dans un statut : l'essentiel réside bien dans les apprentissages
évolutifs et communs et non dans un produit fini à réaliser le
plus efficacement, le plus vite possible. Cf. Cl. Garcia-Debanc, L'élève
et la production d'écrits, 1990. Le maître, pour rendre la
gestion efficace, fera tenir à jour un tableau rendant compte
des tâches assumées au fil des travaux et des jours.
Pour augmenter l'efficacité des équipes, comme d'habitude il convient de bien lancer le travail et de veiller au démarrage de l'atelier. Des consignes claires et précises sur des tâches bien définies et délimitées permettent seules de mettre en place des vraies situations d'apprentissage.
Dans cette
direction, il serait peut-être bon de distribuer à
l'avance un document papier circonstancié et détaillé
sur la tâche à accomplir dans l'atelier : plan
de travail, feuille de route, fiche de suivi
etc. Les élèves pourraient avoir lu le document avant
de réaliser l'activité et avoir esquissé un projet
même rudimentaire. Une feuille de route balisant le
travail de recherche sur un cédérom ou encore un
itinéraire minimal, avec parcours imposé et balisé par
des signets, facilite la navigation dans un hyperdocument
/ hypertexte et favorise le prélèvement des
informations. Comment éviter la noyade dans l'océan des
données ? Il faut veiller à la bonne navigation en
fournissant des outils de repérage. C'est encore plus évident avec la
toile de lInternet : boussoles et
portulans d'abord ! En classe, il convient plutôt
d'avoir la perspective du navigateur que celle du
butineur ou fureteur; à la rigueur, on pourrait admettre
le comportement de l'explorateur mais doté d'un projet
clair et d'informations préalables ne voir aucune
allusion commerciale derrière ces mots ! Butiner et
papillonner ne relèvent guère des apprentissages
spécifiques de l'école, cela concerne plutôt la
flânerie privée, l'errance domestique. |
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On pourrait souligner encore que les interfaces de communication des cédéroms comme du Web avec une multiplicité d'icônes séduisantes, d'images cliquables attrayantes, de liens tentateurs favorisent le détour. Les enfants sont alors tentés de «cliquer sur tout ce qui bouge» en quelque sorte, d'où surgit le risque de l'égarement. On voit ici combien il est nécessaire de développer la réflexion et l'esprit critique des élèves. Il vaut mieux les induire à se limiter à des informations traitables et utiles plutôt que de ramener dans leurs filets un magma gigantesque de données, brutes et confuses ; c'est l'occasion de réinterpréter et méditer la formule classique : «Trop d'informations tue l'information.» | ![]() |
Du matériel d'appoint sur papier est utile avec des didacticiels voire des cédéroms, surtout si l'on sort des simples exerciseurs, des drills : il semble même que plus la leçon, les informations électroniques reposent sur des éléments textuels, plus le recours à ces compléments soit fructueux. Hannafin et Peck (The design, developpment and evaluation of instructional software, New-York,1988) ont ainsi constaté qu'un même contenu présenté en interaction, à la fois sur papier et sur écran, demande moins de temps à un étudiant pour être efficacement traité que s'il est seulement fourni de façon électronique. Le gain, l'économie d'énergie est-on tenté de dire, serait de l'ordre de 40% quelle que soit la discipline concernée voire l'âge des apprenants! L'interaction des canaux de communication, des modalités de présentations ne peut qu'avoir un rôle positif. Cependant, il ne faudrait pas tomber dans la dérive d'une surcharge. |
Il convient notamment de bien savoir que la lecture sur écran semble poser des problèmes, aux origines précises encore indéterminées. Ainsi, D.A. Schell (Research notes, Monthly newsletter of the document design center, 93 (2), 2) évoque plusieurs recherches tendant à prouver qu'il est plus difficile de lire sur écran que sur papier. La vitesse de lecture serait réduite de 20 à 30%, de même que la faculté de localiser des erreurs, des coquilles etc. ou de mener des activités de résolution de problème. Il convient donc d'en tirer les conséquences pédagogiques : il est ainsi utile d'imprimer des documents pour un travail approfondi de lecture et recherche, d'imprimer des jets initiaux en vue de leur révision / réécriture etc.
Le besoin de griffonner, surcharger, raturer, annoter, utiliser des symboles et des dessins etc. est aussi ressenti par beaucoup d'adultes, à divers moments d'un travail intellectuel : lors d'une lecture-analyse, d'une recherche d'idées, lors du traitement de consignes, en phase de révision... Souvent, un adulte expert comme un enseignant, un intellectuel a besoin pour construire la signification d'un texte complexe de passer par un traitement écrit : on surligne, on souligne des informations essentielles, on entoure des mots-clés, on structure en numérotant en marge... Bref, on hiérarchise ; Bernard Stiegler, «Machines à écrire et matière à penser», in Genesis N°5, 1994, parle alors de «techniques d'appropriation où la lecture est indissociable de l'annotation. On ne peut refuser aux enfants à l'école cette aide, cette technologie intellectuelle en quelque sorte ; la complémentarité papier / écran est donc nécessaire, on peut même jouer sur des interactions fructueuses. On peut penser que l'école élémentaire peut contribuer à cet apprentissage fondateur d'une lecture critique outillée par l'annotation, de même qu'aujourd'hui elle initie les enfants à la prise de notes. Les logiciels sont en ce domaine encore trop peu efficaces ou puissants, même si une évolution se fait sentir ; Word de Microsoft permet désormais de surligner des passages, d'annoter, voire de comparer visuellement des versions différentes d'un écrit (cf. dans le menu, la rubrique Outils, Suivi des modifications : 1. afficher les modifications 2. comparer des documents).
Un plan de travail, un échéancier de l'atelier, s'il occupe plusieurs séances, permettront aux enfants de voir la logique d'ensemble et d'anticiper clairement ; la mise en place d'un projet explicite, d'un contrat est là encore un élément favorable. Dans le cas de travail différencié, individualisé à la carte, un plan de travail personnel peut être proposé ; on tombe alors dans la logique du contrat.
Outre la prise de notes sur les contenus, préférable à la copie d'écran systématisée ou à l'impression forcenée, le traitement de l'information par un passage obligé par l'écrit est sans doute un préalable à tout apprentissage : songer à cet aspect dans le dispositif. Les enfants ne doivent pas être cantonnés dans le rôle d'un copieur-colleur, d'un simple compilateur : on réinventerait ainsi des dérives médiévales et scolastiques par ce biais et on renforcerait les déviances impulsées déjà par l'existence des photocopieuses. Il s'agit d'abord bien plutôt de transformer les données en informations pour construire des connaissances. | |||
J. Bruner dans The Culture of Education, en 1996, va plus loin et met ainsi l'accent sur l'élève interprète : les apprenants doivent percevoir que plusieurs mondes existent, que la réalité et le sens sont des construits ; l'art de négocier demande de construire de nouvelles significations afin d'harmoniser nos rapports avec les autres. Plus que traiter de l'information, plus que classer des connaissances, il convient d'amener les élèves à construire les significations à attacher aux choses. Dans ce sens, un fonctionnement intersubjectif de la pensée est alors nécessaire. | Des moments d'échange et de synthèse au fil d'une séquence ne peuvent que profiter à la clarté et à la régulation du travail. Entre élèves, ces interactions sociales sont évidemment utiles : selon Barbieri et Light, «Interaction, gender and performance on a computer-based problem solving task», in Learning and Instruction, 2, 1992, les progrès constatés chez les apprenants sont en proportion directe des interactions repérées entre eux pendant les séances de travail informatisé. Les enseignants pour aller dans le bon sens doivent donc les favoriser. | ||
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Ainsi, malgré l'autonomie présupposée et induite par les (Nouvelles) Technologies, le maître a encore un rôle à jouer dans les apprentissages appuyés sur l'outil informatique, au delà de l'organisation initiale de la séquence et de la détermination des objectifs : d'abord, l'enseignant peut circuler derrière / entre les différents postes pour suivre le travail effectué, observer et évaluer les stratégies adoptées, la progression dans la tâche de chaque équipe. Son rôle va bien plus loin que la surveillance ou l'évaluation, il convient donc de réfléchir aux conditions d'une tutelle efficace; certes, cette intervention ne peut être constante, mais elle peut se localiser à des moments clés à bien identifier. On peut naïvement présupposer que l'enseignant humain est susceptible d'apporter une aide au delà de simples problèmes de cuisine technique : le mammifère bimane adulte à station verticale, contrairement à des discours médiatiques, possède encore un avenir dans les salles de classe. Bien cerner la zone et les modalités d'intervention, mais éviter lassistanat.. |
Un idéal pédagogique serait de tendre à accroître les interactions entre élèves et à réduire au minimum nécessaire les échanges avec le maître, sans les supprimer ; cela ne veut aucunement dire les ramener à rien, bien entendu. Une logique d'intervention différenciée ne peut qu'être utile ; certains enfants peuvent en grande partie, sur de nombreuses tâches, se passer de nous pour travailler et apprendre. Il faudra bien un jour l'admettre, même si c'est douloureux pour notre ego, même s'il faut cesser d'être des professeurs, stricto sensu, c'est à dire des enseignants qui parlent en public, devant des élèves récepteurs, des venditores verborum pour parler comme le romano-berbère Saint Augustin. D'autres ont plus besoin de nous en termes d'assistance, d'explications sur des difficultés, de relance ou recadrage, voire d'encouragement ou de stimulation sur un plan simplement psycho-affectif; cela reste vrai même avec des ordinateurs et des tutoriels, ne pas l'oublier.
Thérèse Laferrière de l'Université Laval au Québec, in Réaliser la mission éducative, celle de libérer l'humain, avec les Ntic, constate qu'avec un dispositif informatique,
- l'enseignant peut laisser l'ordinateur servir de TUTEUR à certains apprenants, usant alors de tutoriels, d'exerciseurs qui permettent une individualisation efficace du travail etc.,
- afin de pouvoir consacrer du temps soit à une équipe soit à tel élève qui en a besoin,
- pendant que d'autres réalisent une tâche avec l'ordinateur OUTIL, procédant par exemple à des recherches documentaires, écrivant au TdT ou encore communiquant avec l'aide d'une messagerie avec des partenaires en réseau...
Certes, cela demande un équipement important de la classe et en réseau mais c'est sûrement une piste pour l'avenir. Cela implique encore, comme dans les cours à plusieurs niveaux d'ailleurs, de garder une unité au groupe d'apprentissage dans son ensemble.
Les modalités d'évaluation des travaux d'élèves doivent être enfin clarifiées, explicitées. Des grilles habituelles et bien critériées seront encore utiles ici. Dans ce sens, privilégier les logiciels et didacticiels permettant de pister à la trace l'itinéraire, la stratégie des enfants ; cela se fait à travers un mode historique, l'impression des travaux, des résultats etc. : il est sans doute essentiel de garder des traces écrites, sur papier pour le maître comme pour les enfants. Verba volant, scripta manent, disait le vieil adage, qu'il convient d'adapter à la situation électronique. Il est clair que dans l'analyse de ces traces, de ces itinéraires historiés, les élèves doivent être associés : cela permet de traiter des différentes stratégies adoptées, d'analyser les erreurs, de comprendre leur logique, leur pourquoi.
Enfin, même si les ordinateurs
par leur nouveauté séduisent et fascinent les jeunes, gardons
à l'esprit qu'eux aussi peuvent induire du stress chez
les enfants, comme d'autres pratiques scolaires
d'ailleurs. Rien n'est magique contrairement à des discours
thaumaturgiques du genre : « J'ai introduit des ordinateurs dans
ma classe et là, ô miracle ! les dyslexiques se sont mis à
lire et à écrire, les sourds à entendre etc.»
Trop souvent, par exemple, les filles, vu le poids de nos
modèles culturels, sont plus réticentes, en retrait, (J.
Willinsky, Tempering the masculinities of technology...,
American Educational Research Association, 1996) même s'il est
vrai que les choses évoluent. L'anxiété qu'on a pu observer
chez les filles face à l'ordinateur semble ainsi disparaître
avec la banalisation de l'outil, même si dans l'ensemble elles
se jugent encore moins compétentes que les garçons. Voir
Robertson et alii, «Computer attitudes in an English
secondary school», in Computers and Education, n°
24,1995. Ces images que l'on a de soi, ces croyances face à
l'objet sont à prendre en compte dans la pédagogie. Autre
chiffre indicateur, selon l'Institut
de Technologie de Géorgie
: en février 1998, les internautes de sexe féminin
représentent 38,4% en moyenne dans le monde, contre 33% moins
d'un an auparavant. Cela dit, en Europe, les hommes constituent
encore 78% des surfeurs!
Certains enfants également ont moins de connivence
initiale avec l'outil informatique : indéniablement, en
posséder un à la maison favorise le contact. On remarquera au
passage qu'en général ceux qui ont un PC multimédia à demeure
rencontrent aussi dans l'environnement familial des livres
variés, des journaux, des modèles langagiers et argumentatifs
pertinents chez les parents etc.: il est donc important que
l'école prenne en compte ces écarts et s'efforce de réduire
ces clivages socio-culturels.
Enfin, une trop grande complexité des tâches demandées, des
séances trop longues, fatigantes, des travaux répétitifs ou
monotones, un manque de maîtrise des rudiments techniques
peuvent faire croître chez tous les enfants comme chez
les secrétaires, les cadres des entreprises ! du stress
et de l'ennui. [ Flèche du Parthe : des séances de travail
classiques, sans informatisation aucune, peuvent provoquer les
mêmes effets.] On voit les conclusions qu'il faut en tirer :
durée raisonnable des séances, pauses, variété des situations
de travail, moments d'échanges oraux entre bipèdes sans plumes,
détente et sourire etc. L'humour reste soluble dans la PAO
pédagogie assistée par ordinateur.
Des séances de deux heures au maximum semblent raisonnables :
des travaux trop longs, répétés tous les jours, surtout sans
pause, avec un stress concomitant, provoqueraient des troubles
mémoriels, voire de l'agressivité chez certains enfants. Cf.
études de Marcel Rufo, professeur en pédopsychiatrie, 1990, de
Jean Bourque, 1992, citées dans l'Ordinateur Individuel,
avril 1998.
L'ordinateur n'est
qu'un outil stupide mais puissant qu'il convient de bien utiliser
dans la classe. Sans réflexion, parachuté, il est sans doute
même dangereux ; il n'amène alors qu'à une dérive sur
l'outil dans le meilleur des cas : «On apprend
l'informatique. » ou à des situations occupationnelles ne
construisant rien chez les enfants. Un vrai apprentissage passe
par un dispositif organisé et orchestré par le maître et
totalement lisible, dans ses tenants et aboutissants, pour les
enfants. Enfin, au delà d'un enthousiasme mutuel fort, motivant
aux débuts, si l'on n'a pas de vrais projets impliquant
réellement l'usage des nouvelles technologies, si l'on ne
fonctionne pas sur un certain modèle compatible de classe,
l'informatisation des apprentissages sera inéluctablement un
four. Il faut avoir conscience que cela ne dépend en rien du
seul charisme du maître ; au bout de quelques mois ou de deux
ans, le soufflé retombera et il restera beaucoup d'amertume...
Comme pour les B.C.D., la vraie question est de durer, donc
d'avoir un projet.
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