LES ECRITURES INTERACTIVES

Typologie des produits et des dispositifs

Grâce aux réseaux informatiques et télématiques, et en particulier avec le développement d’Internet, les pratiques d’écriture « à plusieurs mains » se sont popularisées depuis quelques années, sinon banalisées. On parle ainsi souvent dans le monde scolaire d’écriture collaborative ou d’écriture interactive… Là-dessus on peut consulter : www.bretagne.iufm.fr\Vannesfc99\delataille\principe.htm. Afin de faire un peu le point sur ces modes d’écriture qui se développent de l'école élémenatire jusqu'à l'Université, nous avons esquissé une typologie qui ne prétend qu’à débroussailler le terrain.

Il est évident qu’un premier classement de ces pratiques d’écriture collective reposerait sur le clivage des produits obtenus sur le critère d’opposition : fiction / non fiction — c’est à dire documentaire.

   

ü       Modalité du recueil ou de la mise en commun

Si le produit visé est un recueil de contes, de poèmes, un numéro de magazine, un journal etc.,  chacun des partenaires réalise un fragment : peu de problèmes d’ensemble apparemment.

En fait, il s’agit d’un travail de type juxtapositif et simultané ; un minimum de mise en cohérence autour du projet commun (nature, thème, registre, économie générale peut-être) semble nécessaire ; la seule vraie question à trancher est le partage, la répartition raisonnée du travail entre les membres du dispositif.

Toutefois, des échanges de services entre les rédacteurs sont également envisageables comme des aides, des échanges de re-lectures et révisions, des assistances dans le processus de réécriture — jusqu’au modèle du rewriting.

Ce modèle de fonctionnement peut ainsi impliquer des formes de coopération dans la réalisation. Il peut même exister une structure équivalant à un comité de rédaction ou à une équipe éditoriale.

 

ü       Modalité de l’arborescence documentaire

Le produit final envisagé peut être un site Web collectif /coopératif installé sur un serveur ou un sommaire, un index liant entre eux divers sites Web singuliers ou diverses parties de sites d’écoles, de classes ; on peut penser éventuellement à la réalisation d’un cédérom comme celui sur L’eau, initié par Picquecos, il n’y a guère. Consulter aussi l’arbre des connaissances : http://www.ac-nice.fr/ia06/doc/arbre/principe.htm.

Peu différent du cas n°1 : seule vue d’ensemble, structure… Un partage des domaines est possible ou dans un champ commun les auteurs peuvent se partager, se répartir les articles pour éviter les doublons.

Peu, voire pas de travail collectif, a priori ; seule l’édition ou diffusion fédère, regroupe.

 

 

ü       Modalité de l’histoire classique, unique — produite séquentiellement ou non

Un seul produit fictionnel collectif au final, une histoire traditionnelle souvent, est envisagé dans ce cas de figure. On peut imaginer au moins deux grandes façons de procéder.

 

·         Scénario 1

X propose un début ouvert, y continue, z achève. On se passe le bébé linéairement, pour ainsi dire ; le travail des classes ou groupes n’est donc pas simultané : ainsi, y intervient après x. C’est un modèle de travail sériel linéaire.

Cette façon de faire est classique sur papier dans les classes ; chaque groupe écrit une unité du texte global : un épisode, un chapitre etc. et passe la main.

On peut s’interroger sur le statut de l’auteur : s’agit-il de scripteurs individuels, de petits groupes ou d’une classe entière qui produit ?

 

·         Scénario 2

Cas de figure plus complexe : il s’agit toujours de l’écriture d’un produit unique, d’une fiction classique (roman policier, histoire fantastique, nouvelle de S.F. etc.) à plusieurs mains/ au moins deux classes. Mais ici, nous n’aurions pas un modèle sériel linéaire.

Dans cette situation d’écriture, se pose la question du projet, de l’harmonisation ; c’est un problème général à toute écriture collective.

Des jeux d’écriture et réécriture sont, bien entendu, possibles ; mais ce mode de production semble très complexe, voire peu pertinent à mener en tout cas avec des groupes importants : il semble plus facile d’écrire en groupe restreint (4/5), cf. Cl. Garcia-Debanc. Au-delà on peut pressentir de nombreux écueils ou obstacles. Un enseignant peut aussi s’interroger sur les apprentissages réalisés par chacun dans une équipe. Des dérives potentielles sont évidentes.

 

 

ü       Modalité de l’histoire interactive

Il s’agit ici de construire une histoire interactive allant jusqu’à offrir des choix des possibles narratifs, selon une structure arborescente.

D’après un début ouvert ou un inducteur avec des contraintes, plusieurs groupes différents écrivent, chacun de leur côté, avec ou sans concertation, avec ou sans consignes, diverses suites. Là encore, plusieurs cas de figure sont envisageables.

 

·         Scénario 1

On édite, diffuse ensuite toutes les réalisations, toutes les variantes de suite à un épisode ; on laisse le choix au lecteur. A chaque étape d’écriture, les textes deviennent plus abondants, divers parcours deviennent alors possibles.

On peut aussi imaginer dans ce cas des jeux de réécritures, des échanges coopératifs en vue d’amélioration lors du processus de production.

 

Le plus riche, mais plus difficile à réaliser, est de construire un livre arborescent avec une réelle cohérence d’ensemble, une œuvre hypertextuelle donc qui permet des parcours divers, calculés, et des jonctions entre les épisodes. Cf. Gil Gigawww.chez.com\dlemaire\giga\debut.html ou plus simple un conte interactif :  www.bretagne.iufm.fr\Vannesfc99\delataille\Introduction.htm.

Dans ce registre, on peut imaginer des écrits d’ordres ou genres divers entrant en relation, se greffant sur un texte central constituant comme un noyau dur : des textes documentaires ou relevant d‘un autre genre peuvent être liés. On connaît ainsi des albums papiers de littérature pour la jeunesse proposant avec la fiction des branchements informatifs documentaires, sur les personnages, les animaux acteurs, l’époque etc.

 

·         Scénario 2

La collectivité des participants ou les responsables de l’atelier d’écriture choisissent pour le retenir à chaque étape un épisode, un élément de l’histoire ; validé, il sert à son tour de point de départ pour la suite. On obtient au final un livre électronique écrit à plusieurs mains, mais la lecture est linéaire, avec un seul parcours possible. Voir : http://www.bretagne.iufm.fr/Ress-Pedago/ecriture-elect/reg-jeu.htm. La seule originalité est de proposer les variantes non retenues, d’en garder une mémoire.

 

Il faut bien voir que le processus de travail diffère de la production séquentielle linéaire : chaque équipe écrit toujours à chaque moment un élément, un épisode, mais il ne sera pas forcément validé. On peut anticiper sur un problème, si ce sont toujours les mêmes rédacteurs qui emportent l’adhésion de la collectivité ou du jury de l’atelier !

Bien sûr, il est loisible d’imaginer des jeux de réécritures coopératives en vue de l’amélioration ou de l’enrichissement du passage choisi.

 

·         Scénario 3

Dans le genre de l’Immeuble, il s’agit d’imaginer un produit où les textes prolifèrent, se concatènent mais sans s’enchaîner chronologiquement dans la logique d’une intrigue unique, d’un roman traditionnel. Il est riche de faire se rencontrer des personnages, dans divers contextes, comme dans la vie, sans trame narrative univoque. De multiples parcours possibles, pas de vue d’ensemble ni de point de vue unique… Consulter  l’article paru dans la revue de l'EPI, n°89 mars 1998.

 

Cf. le projet sur le Net inspiré d'un ouvrage pédagogique, L’immeuble de Francis Debyser, Hachette, concernant les simulations globales, méthode utilisée pour l'enseignement du français langue étrangère (FLE). En fait, c’est une forme de pratique des « jeux de rôle » : chaque classe a ainsi joué dans le projet le rôle d'une famille, locataire du 109 rue Lamarck à Paris (XVIIIème).

 

« Vous n'allez pas construire un immeuble anonyme où personne ne se connaît ; la vie de l'immeuble est faite de communications ; les gens se rencontrent, se disent bonjour, échangent des civilités ou des nouvelles, se rendent des services, mais parfois aussi se plaignent, disent du mal les uns des autres, se jalousent. Vous allez imaginer et jouer ces scènes. Certaines seront très simples : Mme X rencontre M. Z dans l'escalier ; ils se saluent et échangent une ou deux phrases sur le temps qu'il fait. D'autres seront un peu moins banales : la mère Michel demande au père Lustucru de l'aider à retrouver son chat... » Francis Debyser, L'immeuble.

 

On peut imaginer plus que la création d’un roman collectif international ou pas, l’élaboration progressive d’un « monde virtuel » réalisé à plusieurs claviers d'ordinateurs.

Remarques par courrier ici.