LES INDICES DE L'ENONCIATION

Tout message est émis dans une situation de communication donnée.  Mais pour comprendre certains messages, il est nécessaire de connaître cette situation de communication, d'identifier certains paramètres. D'autres énoncés, au contraire, sont compréhensibles, interprétables même si l'on ne connaît pas cette situation.

On appelle indices de l'énonciation les traces dans le message ( i.e.l'énoncé) de la situation de communication.

L'énoncé 1 :

ne porte aucune marque de son énonciation.
Il n'est pas besoin de savoir où, quand et par qui il a été écrit pour le comprendre.

Le 4 mai 1968, Albert écrivit à Jeanne pour lui fixer un rendez-vous le lendemain avec leur ami Pierre, dans la villa qu'il avait louée à Nice.

On parle, dans ce cas, d'énoncé historique ou récit.

Les énoncés 2 et 3 :

ne sont compréhensibles par celui qui les reçoit que s'il peut identifier :

Je te retrouverai ici demain.

Passe-moi le rouge.

- la personne qui parle ou écrit : Qui est derrière ce  "je" ? et s'il s'identifie comme récepteur ou destinataire du message ("te" explicite ou "toi" impliqué par l'impératif);

- le lieu où parle ou écrit l'émetteur : "ici" = le lieu où "je" parle;

- le moment où parle ou écrit l'émetteur (énonciateur) :  "aujourd'hui" = le jour où "je" parle ;

- que s'il connaît le contexte situationnel : Qu'est le rouge en question ? Du vin, un stylo ou un cosmétique...

 

Par opposition à l'énoncé historique on parle alors de discours.

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Les indices de l'énonciation sont d'ordre divers :

- Les pronoms et adjectifs personnels

- renvoyant à l'émetteur : je, nous ; mon, nôtre...

- renvoyant au récepteur : tu, vous ; ton, vôtre...

Gros plan sur les indices personnels

a) les traces de l’émetteur, c'est à dire celui qui produit/ ceux qui produisent l’énoncé :
Il faut rechercher des marques de la 1ère personne
- des pronoms ( je, me moi, nous ), des terminaisons verbales ( -ons à l’impératif)
- des déterminants possessifs ( mon, ma, mes, notre, nos... )

b) les traces du récepteur, c'est à dire celui à qui / ceux à qui est destiné l’énoncé :
On peut rechercher des marques de la 2ème personne
- des pronoms (tu, te, toi, vous), des terminaisons verbales ( -e, -ez, à l’impératif)
- des déterminants possessifs ( ton, ta, tes, votre, vos... )

c) le pronom "on" ? Il faut y être attentif car il a tantôt :
- une valeur d’indéfini = on ne sait pas qui... (On frappe à la porte.)
- une valeur élargie = tout le monde, tous les hommes (ex : dans les proverbes : On a toujours besoin d'un plus petit que soi.)
- une valeur de substitut de l’émetteur (je, nous) ou du récepteur (toi, vous) dans la langue moderne. Il prend quelquefois des valeurs ironiques pour remplacer un "il" ou un "elle" qu'on se refuse de désigner...

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- Les modalisateurs

On appelle modalisateurs des mots qui font intervenir un jugement dans l'énoncé, qui portent trace de l'opinion de celui qui énonce, qui marquent une certaine distance etc. :

- des adverbes : certainement, sans aucun doute, peut-être, assurément...

Le chômage baissera certainement l'an prochain. / Je doute que le chômage baisse...

- des verbes : sembler, paraître... voire l'emploi d'un mode :

La croissance reprendrait selon le Ministre. / La croissance reprend.

- des adjectifs, des mots valorisants ou dévalorisants : beau / laid... terroriste / résistant ...
Parler de resquilleur plutôt que de fraudeur n'a pas la même résonance : il y a peu de vrais synonymes en français.

Gros plan sur les modalisateurs

Ce sont donc tous les mots qui indiquent un jugement ou un sentiment de la part de l’émetteur. Ces mots peuvent être :

- des NOMS, des ADJECTIFS : il faut observer le lexique employé et ses connotations :
- un vocabulaire mélioratif (= laudatif ou élogieux, qui apprécie ou valorise quelque chose) ; ex :" de nobles monuments anciens, l’âme de la France créatrice de chefs d’œuvre "

- ou au contraire péjoratif (= négatif, qui dévalorise ou déprécie quelque chose) : "d’affreux monuments industriels, la commerciale Amérique..."

- des VERBES d’opinion :

a) affectifs : aimer, détester, craindre... ;
b) évaluatifs : penser, croire, prétendre...

- des ADVERBES (ou compléments circonstantiels)
sans aucun doute, probablement, assurément, heureusement, peut-être...

- des INTERJECTIONS : Eh bien ! hélas, bravo...

- le TEMPS ou le MODE dans la mesure où ils sont significatifs d’une intention de l’émetteur :
l’emploi du subjonctif, du conditionnel (=> probabilité), ou futur (=> possibilité)

- une PONCTUATION ou typographie particulières, par exemple l’usage de guillemets, point d’exclamation, caractères italiques... Cela peut exprimer une insistance ou de l’ironie, une distance...

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- Les repères de temps et d'espace

Ces marques de l'énonciation sont tous les mots ou groupes de mots qui situent le message dans le temps et l'espace par rapport à l'émetteur, à la situation d'énonciation :

- temps : aujourd'hui, demain, après-demain, hier, avant-hier...

- espace : ici.

Ces indices spatio-temporels sont tout simplement des marques sur le cadre de l’échange, c'est à dire et quand a lieu l’énoncé.

Sont ainsi des marques de l’énonciation tous les mots et groupes de mots qui situent le message dans le temps et l’espace par rapport à l’émetteur :

- temps : aujourd’hui, maintenant, demain, hier, avant... => ils se réfèrent au moment où est produit l’énoncé.

- espace : ici , là-bas, chez nous, ailleurs... => ils se réfèrent au lieu où est produit l’énoncé.

Les temps verbaux sont encore des indices importants à prendre en compte :
Est-ce un récit au présent ? ou au passé ? Le récit est-il ancré dans une situation d’énonciation précise, comme dans une lettre, avec un lieu et une date d’émission ?
O u le récit est-il coupé de toute situation d’énonciation précise, comme dans un conte, avec « Il était une fois... »? Dans l'autobiographie, on rencontre un discours du narrateur qui renvoie au moment de l'énonciation, au présent de l'écriture : adulte, âgé, celui-ci évoque et commente son passé... ("cette maison est aujourd'hui transformée en auberge." Chateaubriand écrit ce passage des Mémoires d'outre-tombe en 1811 et il y évoque sa maison natale vers 1768 à Saint-Malo.)

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