NIVEAUX DIEGETIQUES ET RELATION A L'HISTOIRE

LE NIVEAU diégétique
Le narrateur et le narrataire peuvent être totalement effacés : c'est le cas du récit objectif à la 3ème personne et au passé simple — romans de Flaubert, Zola en général ; le récit semble alors se raconter lui-même. Alors le narrateur comme le narrataire sont extérieurs à l'histoire, à sa diégèse : ils sont dits extradiégétiques. Mais même à ce niveau extradiégétique, le narrateur peut intervenir à certains moments dans le récit, comme le montrent les romans de Balzac quelquefois ou plus souvent encore ceux de Stendhal, pour commenter ou émettre un jugement sur l'objet de sa narration, pour juger les personnages ou encore pour expliquer un choix dans la manière de conduire son récit. On peut observer alors des indices énonciatifs de sa présence.

Inversement, le narrateur et le destinataire — qu'il soit lecteur ou auditeur — peuvent être des protagonistes ou des personnages secondaires dans l'intrigue, par exemple, dans les romans épistolaires, dans l'autobiographie, dans le cadre des récits internes au récit (récits faits ou rapportés par des personnages à d'autres) ; ils sont alors dits intradiégétiques, c'est à dire à l'intérieur de la diégèse, de plain-pied avec les personnages. Si l'action de raconter est fictionnalisée, intégrée à la fiction, si les narrateurs sont pris dans la diégèse, on dit qu'ils sont intradiégétiques, sinon, ils sont extradiégétiques.
L'histoire d'Augustin dans le Grand Meaulnes d'Alain Fournier nous est ainsi racontée par François Seurel, fils de Milly, qui se souvient du passé, comme le signifie manifestement l'incipit du roman : « Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189-...» François Seurel est donc censé être l'auteur du récit écrit par Fournier : François est un narrateur extradiégétique qui s'adresse à nous et pas à des personnages du récit.

LE RAPPORT du narrateur à l'histoire qu'il raconte
Le narrateur peut être absent comme personnage de l'histoire qu'il raconte, même s'il peut y faire des intrusions en tant que narrateur : il est dit alors hétérodégétique.
Exemple canonique de Schéhérazade racontant les récits des Mille et Une Nuits ; en effet, personnage d'un récit, c'est un narrateur second, elle raconte une histoire où elle ne prend pas part.

Lorsque le narrateur est présent comme personnage dans l'histoire qu'il raconte, on le dit avec Gérard Genette homodiégétique. Dans ce cas-là, s'il n'est pas un simple témoin des événements, mais s'il est le héros de son récit, s'il est agent, et donc fortement présent, il peut aussi être appelé narrateur autodiégétique.
L'instance narratrice d'un récit premier (=celui qui emploie le « je » dès la première page du récit ) est par définition extradiégétique. Quand il raconte l’histoire, celle-ci est terminée pour lui et il s’adresse aux lecteurs ; il est bien censé être l'auteur du récit que nous lisons. On dit que ce narrateur est extradiégétique, mais il peut avoir joué un rôle dans le récit de niveau 1 qu'il raconte. Ce narrateur-personnage est alors homodiégétique.

Ainsi, on peut donc distinguer deux variantes du narrateur homodiégétique :
- Il peut jouer un rôle secondaire, il est observateur ou témoin des événements qui se déroulent comme le Docteur Watson, ami et assistant de Sherlock Holmes, dans les récits policiers de Conan Doyle.
- Il est le héros de sa propre histoire, donc narrateur autodiégétique, comme
le narrateur héros dans «Le Horla» de Maupassant.

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Les combinaisons possibles au final
On observera parfois dans certains romans ou nouvelles que le narrateur principal, extérieur à l'histoire, peut donner, plus ou moins longuement, la parole à un personnage pour raconter quelque chose ; celui-ci devient alors narrateur secondaire. Le récit de ce dernier peut prendre diverses formes : relation orale, lettre, note, journal, manuscrit... G. de Maupassant affectionne ce genre d'imbrication dans ses contes ou nouvelles : « La main d'écorché», la version première du «Horla» etc.. Dans certains cas, on peut trouver plusieurs passages de relais en cascade. La narration peut ainsi se conduire à plus d'un niveau ; à l'intérieur d'un récit premier, un personnage raconte qu'il a lui-même entendu raconter par quelqu'un d'autre que etc.
L'instance narratrice d'un récit premier (=celui qui emploie le « je » dès la première page du récit ) est par définition extradiégétique. Quand il raconte l’histoire, elle est terminée pour lui et il s’adresse aux lecteurs ; il est censé être l'auteur du récit que nous lisons. On dit qu’il est extradiégétique. Mais ce narrateur peut avoir joué un rôle dans le récit de niveau 1 qu'il raconte. Ce narrateur-personnage est homodiégétique.

- Récit extradiégétique- hétérodiégétique : le narrateur premier raconte une histoire dont il n'est pas un participant, un personnage. Ainsi la voix d'Homère raconte, au premier degré, une histoire d’où celui-ci est absent. Le narrateur qui est hors de l'histoire, souvent omniscient, raconte l'histoire de quelqu'un d'autre.

- Récit extradiégétique-homodiégétique : le narrateur premier raconte l'histoire dont il est un des personnages. Ainsi, Gil Blas, narrateur personnage du roman de Lesage, L'Histoire de Gil Blas de Santillane, raconte au premier degré sa propre vie, son histoire ; il est censé en être l'auteur. C'est le récit rétrospectif de ses aventures fait par le personnage principal. De même, dans les Mémoires d'un fou de Flaubert : le "je" du narrateur est fictif, c'est le "fou" qui raconte ses souvenirs dans ses mémoires, comme l'Hadrien de Marguerite Yourcenar dans les Mémoires d'Hadrien. Robinson Crusoe est aussi censé être l'auteur du récit qui nous est adressé; bien sûr l'auteur réel de ce récit du narrateur-auteur Crusoé reste Daniel Defoe.

- Récit intradiégétique-hétérodiégétique : c'est un narrateur second, il raconte une histoire où il ne prend pas part. Il se manifeste dans la narration, mais il ne joue pas de rôle dans l'histoire. Dans les Mille et une nuits, le personnage Schéhérazade raconte, au second degré, des histoires d’où elle est absente. En résumé, c'est plutôt un narrateur-témoin qui raconte l'histoire de quelqu'un d'autre. De même, le narrateur du Moulin de Pologne de Giono : il est perceptible dans la narration mais ne joue pas de rôle dans l'histoire rappportée.

- Narrateur intradiégétique-homodiegétique : le narrateur second est lui-même un personnage de l'histoire qu'il raconte. Ainsi, dans l'Odyssée d'Homère, le personnage Ulysse, raconte dans certains chants, ix à xii, au second degré, sa propre histoire lorsqu’il s’adresse aux Phéaciens. En bref, c'est un narrateur héros qui raconte sa propre histoire à des personnages.

R
e
l
a
t
i
o
n

Niveau

Extradiégétique

Intradiégétique

Hétérodiégétique

Homère

Schéhérazade

Homodiégétique,
autodiégétique

Gil Blas ou Marcel, François Seurel, Hadrien

Ulysse chez les Phéaciens

Ce tableau de synthèse reprend celui de Genette dans Figures III, p.256.

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