LA CONSTITUTION

(RE)CONSTITUTION DE TEXTE

Jean-Claude Duverger


1. RAPPEL HISTORIQUE
2. L'APPARITION DE LA "CONSTITUTION"
3. POURQUOI UTILISER DE NOUVEAU CE TYPE D'ACTIVITE ?
4. DES EXEMPLES DE MISE EN ŒUVRE


1. RAPPEL HISTORIQUE

Dans les années 70, les essais de mise en œuvre du "Plan Rouchette" concernant l'enseignement du Français s'appuient, entre autre, sur l'introduction dans les classes de deux nouveaux types d'activité : l'exercice structural, la reconstitution de texte.

Si les mises en œuvre sont diverses, tous deux visent en réalité le même objectif : faire acquérir par les enfants de manière "imprégnative" les structures syntaxiques et grammaticales du Français Ecrit courant.

L'exercice structural, venu de la didactique des langues étrangères, s'appuie sur des manipulations orales de certaines structures simples de l'écrit, et assez rapidement ses limites apparaissent : manipulations orales, niveau de langue à bien déterminer, et surtout problème de l'impossibilité d'évaluer (avec un minimum de précision) les (éventuelles) retombées dans les productions écrites spontanées des élèves, surtout si on laisse un certain temps entre la phase d'exercice automatisée et la vérification du transfert. Ce type d'activité est encore parfois pratiqué dans certaines classes, mais son utilisation reste marginale, même si en terme d'animation de la classe, il permet de mettre tout le monde en activité, et si les enfants sont placés en situation de réussite : la brièveté, la rapidité, l'automatisation font d'ailleurs ressembler cette situation à ce qu'on observe en "calcul mental la Martinière"!

La reconstitution de texte, elle, a vu sa mise en œuvre accompagnée par une littérature pédagogique relativement abondante et fort bien faite en général. Les deux ouvrages de base sont l'œuvre de Roger Petitjean : La reconstitution de texte (CEDIC 1980) La transformation de texte (CEDIC 1984) qui, sur le plan théorique comme sur celui des mises en œuvre pratiques, proposent les entrées les plus novatrices, en montrant en particulier comment cette technique, déjà ancienne mais remise en avant par le plan de rénovation, permet de manière globale de travailler sur de nombreux aspects linguistiques (syntaxe bien sûr, mais aussi phonologie et lexique), d'articuler interactivement la lecture et l'écriture, de visualiser également des "séquences orthographiques" intéressantes.

Il est d'ailleurs significatif que dans l'ouvrage collectif dirigé par H. Romian, coédité par Nathan et l'I.N.R.P., et consacré à travers douze volumes à la mise en œuvre du plan de rénovation, le volume 7, intitulé Activités de grammaire (Claudine Growez - L. Malossane) propose une partie importante sur la reconstitution de texte (p. 47 à 95) mise en avant comme l'activité quasi emblématique des classes dites "rénovées".

On peut citer également deux autres ouvrages En vue de la reconstitution de texte (M. Pèchevy - M. Algret - J. Turpin) Bordas pédagogie 1977 et La reconstitution de texte - Méthode structurale (J.P. Kerloc'h) Armand Colin Bourrelier 1980. Ces deux livres sont à destination des maîtres, ce qui est bien caractéristique de la volonté d'informer les enseignants et de leur fournir une méthodologie détaillée appuyée sur des considérations théoriques et sur des propositions très concrètes de mise en œuvre. En outre, ces 2 ouvrages s'adressent explicitement à l'Ecole Elémentaire mais aussi à la 6ème et la 5ème : on peut supposer qu'à l'époque, la présence de nombreux PEGC dans les 1er cycles de collège a favorisé la mise en œuvre de cette activité sur plusieurs années, alors qu'elle n'appartient manifestement pas au "répertoire didactique" des P.C.L.

Comme souvent dans le système éducatif, après un effet de mode nettement paroxystique entre 1975 et 1982, 1983, il semble que cet exercice ait été transformé en un simple travail de mémorisation, validé par la réécriture du texte et sa correction orthographique, en une sorte de "super auto-dictée". Quelques sondages faits au hasard montrent que l'activité n'est pratiquement plus mise en œuvre dans le quotidien des classes.

Signalons enfin que Micheline Daumas, connue surtout pour les dispositifs d'aide à l'écriture qu'elle propose dans Orthographe vocabulaire pratiques différenciées (Armand Colin 1991), propose à partir de 1994 quatre livres toujours chez Armand Colin sur "la reconstitution de texte au CE1 etc…"

Les objectifs annoncés sont affinés par rapport à ceux de la "grande période des années 75 mais sont dans la même mouvance : maîtrise implicite de formes syntaxiques complexes, maîtrise implicite de modèles d'organisation de textes narratifs, maîtrise des temps du récit. Ces objectifs sont les mêmes du CE1 AU CM2 avec bien sûr une forte évolution sur le plan de la longueur et de la complexité des textes, mais une grande cohérence dans la logique et la structure de l'activité.

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3. POURQUOI UTILISER DE NOUVEAU CE TYPE D'ACTIVITE ?
4. DES EXEMPLES DE MISE EN ŒUVRE

2. L'APPARITION DE LA "CONSTITUTION"

Ce terme volontairement décalé est utilisé par Alex Clerino de manière assez allusive dans son Pour le plaisir d'écrire à l'école (1988. Editions de l'Ecole). Dans le volume suivant Ecrire par plaisir (1992. Editions de l'école) l'activité est reprise et systématisée, avec de très nombreuses propositions de mise en œuvre pratiques (p. 9 à 45) ; ces exercices, classés par ordre de difficultés, peuvent être pratiqués dès la fin du CE1 et jusqu'en CM2 bien sûr : certaines propositions posent même de sérieux problèmes à des adultes en formation.

Alors que la reconstitution s'appuie sur un texte existant que les enfants connaissent pour aller progressivement vers une schématisation ne laissant apparaître que les structures syntaxiques et quelques mots-clés, la constitution consiste à partir d'un texte dont il ne reste que la ponctuation et quelques mots et, en s'aidant du contexte (texte narratif précédent lu par le maître) à "constituer" l'intégralité du texte initial en plaçant peu à peu tous les mots manquants qui sont donnés sous forme de liste en général classée par ordre alphabétique. Cette activité nécessite la mobilisation d'un grand nombre d'indices situés à divers niveaux (sens global, orthographe, contexte restreint, construction des syntagmes, ponctuation etc…) et met en général les enfants dans un état de grande "excitation positive" : il faut résoudre une énigme en étant "malin", subtil et parfois en revenant en arrière pour reconsidérer des hypothèses pourtant fort plausibles!

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3. POURQUOI UTILISER DE NOUVEAU CE TYPE D'ACTIVITE ?

Quelques rapides expériences, en particulier un cycle de six séances en CE2, ainsi que des propositions de constitution de texte à des enfants en observation individuelle, montrent qu'il est sans doute possible d'intégrer ces activités parmi la panoplie des moyens didactiques utilisables, en particulier parce qu'elles permettent :

- des intéractions lecture / écriture forcément générées par ces situations

- le développement de "stratégies cognitives" habituant à traiter des informations de niveaux divers pour construire de la compréhension

- la manipulation en grammaire implicite de nombreuses structures propres à l'écrit permettant aux enfants de réinvestir leurs premiers acquis structurés.

Ces activités permettent également sur le plan pédagogique d'alterner des situations en classe entière, comme pour la reconstitution de texte classique, des activités en groupe permettant parfois la tutelle, des situations individuelles où l'enfant, en particulier en constitution de texte, est confronté à de très sérieuses difficultés et doit chercher seul longtemps.

Enfin, en particulier pour la reconstitution, il nous paraît bon d'insister en particulier sur la phase de schématisation qui permet de visualiser les structures profondes et qui correspond ainsi à un effort de compréhension extrêmement efficace ; on comprend que la phase de restitution, qui clot en général l'exercice, nous paraît au contraire nettement moins pertinente, puisqu'elle peut, pour les enfants, leur faire privilégier la mémoire, ce qui n'est pas l'objectif le plus spécifique que permet d'atteindre cet exercice.

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3. POURQUOI UTILISER DE NOUVEAU CE TYPE D'ACTIVITE ?
4. DES EXEMPLES DE MISE EN ŒUVRE

4. DES EXEMPLES DE MISE EN ŒUVRE

PERMETTANT DE COMPRENDRE L'INTERET DE L'ACTIVITE

P. 58 / 59 LA TRANSFORMATION

La simple mise en évidence de la structure (disposition, indentation, parenthésage) avec l'effacement progressif des réseaux lexicaux vaut toutes les explications de texte. La Bruyère nous propose une devinette, dont la solution est repoussée constamment par l'accumulation des relatives dans une phrase interminable mais parfaitement structurée ; cette solution, proposée après les deux points, provoque un effet de surprise jouant sur une fausse évidence.

On voit tout de suite comment une telle structure ouverte peut servir de "moule d'écriture" aux enfants. Ils ne seront pas La Bruyère, mais cette écriture - imitation leur permettra, on l'espère, de s'approprier peu à peu des stratégies d'écriture leur permettant de "faire des effets".

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