L'ESPACE DANS LE RECIT DE FICTION
Un
récit présente un espace imaginaire, même s'il est apparemment
géographique ou se veut "réaliste", dont la fonction, la nature,
l'organisation et le mode de description sont divers.
Même présenté comme réel, l'espace narratif est toujours
construit, par l'écriture.
FONCTION DE L'ESPACE
L'espace permet un itinéraire : souvent le déplacement des personnages s'associe à la rencontre de "l'aventure". Un voyage sert de déclencheur à l'action, comme dans le conte folklorique — « Le Merle blanc », « le Chaperon Rouge ».
On peut réduire l'itinéraire à un schéma simple, à différents types de base :
L'espace peut offrir un spectacle, servir de décor à l'action. Dans ce cas il est soumis au regard des personnages. Il est déterminé par la situation du spectateur face au spectacle et par la relation entre le paysage et l'état d'âme de celui qui regarde, qui perçoit. (cf. Le Rouge et le Noir de Stendhal)
Une correspondance
symbolique peut s'établir entre un personnage et un paysage :
Thérèse Desqueyroux et les Landes dans le roman éponyme.
Parfois,
dans certains textes fantastiques, on peut constater comme une forme de mise
en scène de l'espace représenté. Le cadre est alors parsemé
d'indices, de signes qui conditionnent le lecteur à un certain type d'interprétation.
H.P.
Lovecraft ou E.A. Poe savent tirer parti de la présentation des lieux,
de la situation de départ des personnages ; le cadre, le contexte mettent
alors en relief le caractère maladif, psychopathe, mythomaniaque du personnage...
La chute de la maison Usher de Poe reflète et exprime ainsi
l'état du personnage éponyme ; le regard du narrateur, dès
l'ouverture de la nouvelle, est significatif d'une fracture perçue dans
l'espace, d'une fêlure, d'un malaise. Il y a bien une correspondance entre
le cadre de l'histoire et le personnage Usher.
Toutefois le rôle de l'espace est essentiellement fonctionnel: il permet àl'intrigue d'évoluer par des séparations, des rencontres... . Il peut aussi donner un signifié symbolique ; voir à cet égard dans L'Assommoir de Zola le thème du trou et les différentes demeures de Gervaise, au fil du roman. Un déplacement dans l'espace géographique prend souvent aussi une valeur sociale.
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L'ouverture de l'Assommoir
est révélatrice de l'importance de l'espace
pour construire la signification d'un texte romanesque. Certes, Zola,
en chef de file du Naturalisme, y décrit un cadre social réel
; il s'est bien documenté et il a fait des observations, pris des
notes dans des carnets, Le référent
qu'il évoque existe ou plutôt a existé, comme en attestent
les toponymes, les enseignes d'établissements divers ou la géographie.
Son intention est clairement orientée dans le roman : il s'agit
essentiellement de montrer les méfaits d'un milieu réel,
celui des «barrières», et de l'alcool, comme il le
dit dans son avant-projet et sa préface. — Pour information,
les barrières, i.e. les faubourgs évoqués,
sont des quartiers qui ne sont pas encore rattachés à la
capitale, séparés de Paris intra muros par une barrière.—
Mais d'emblée Zola inscrit par l'écriture son espace dans
un imaginaire à valeur symbolique. |
Croquis de situation du quartier par Zola, en provenance de la B.N.F. http://expositions.bnf.fr/brouillons/ecrivains/indexz1.htm Même origine pour le manuscrit des notes du Carnet d'enquête, ci-dessous, concernant la «grande maison» ou l'hôtel Boncoeur. |
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Le chapitre liminaire du roman commence ainsi par présenter une Gervaise, abandonnée par Lantier, seule avec ses enfants, enfermée dans une misérable chambre garnie de l'hôtel «Boncoeur» au nom emblématique, établissement délabré, crasseux et réduit à l'état de masure. Tout le décor et les accessoires intérieurs semblent, en effet, salis, tachés ou dégradés. Le quartier entier est dominé par la pénombre, l'humidité et les ordures. Misère, déchéance, carences et dégradations en tout genre, voilà l'horizon marqué (cf. aussi les indices de la malle vide, les divers objets abîmés comme «le pot à eau ébréché», petit détail vrai hypertrophié ) et l'environnement plutôt sinistre où l'on entend parfois «des cris d'assassinés».
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Transcription des notes du ms sur l'établissement : Hôtel Boncœur, tenu par Marsoullier. Deux étages, une boutique de traiteur borgne, une allée borgne. La maison peinte en rouge jusqu'au second étage. Entre les deux fenêtres du premier, écrit en lettres jaunes, mangées avec le plâtre, le nom de l'hôtel. Au dessous, la lanterne carrée en verre dépoli, avec une vitre cassée. Les persiennes noires, vermoulues, arrachées. A côté du bal du grand Balcon. |
Une sorte
de programmation du destin de l'héroïne peut même se décrypter
à travers deux repères saillants et structurants du décor
extérieur : à droite de l'hôtel, un abattoir
où des bouchers «massacrent les bêtes» et,
à gauche, «la masse blanche de l'hôpital Lariboisière»
que l'on construit alors. La suite de l'histoire et la référence
au titre du roman «Assommoir» permettront de décoder
de façon transparente ce triangle fatal composé par l'hôtel
pris entre l'abattoir et l'hôpital : l'alcool et la misère réduisent
l'humanité, i.e. le peuple des ouvriers et artisans, à la condition
animale et à la déchéance, et cela pour finir à
l'hôpital, alors mouroir pour les pauvres. Ce déterminisme tragique
est relayé, confirmé par la couleur des murs de l'hôtel,
mêlant le sang et l'alcool : «masure de deux étages,
peinte en rouge lie de vin», comme par la touche des «tabliers
sanglants» des bouchers. La foule des ouvriers se rendant au travail
le matin est comparée explicitement à un troupeau d'animaux sur
les boulevards, car il s'agit bien de faire entendre que la société
industrielle déshumanise le peuple avant de l'assommer .
Notons que Zola a une conscience
claire et explicite de cette dimension symbolique qui est bien intentionnelle
chez lui : il écrit, en effet, dans son dossier préparatoire :
« Gervaise (...) va de l'abattoir (qui n'existe plus, mais je pourrai
le laisser) à l'hôpital» .
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Par ailleurs, dans l'espace interne de la chambre comme à l'extérieur se lit une thématique discrète de l'enfermement : les barreaux du lit des enfants, cf. le « lit de fer qui barrait la commode», apparaissent comme une grille carcérale ; le « mur de l'octroi » sépare la banlieue ouvrière des quartiers de Paris traçant une frontière sociale et symbolique ; « la muraille grise et interminable entoure la ville d'une bande de désert ». Il n'y a donc pas d'issue ou d'échappatoire pour Gervaise, emmurée dans sa condition de femme du peuple ; l'espace des faubourgs s'il est désertique est bien sans espoir. René Clément dans son adaptation filmique du roman en 1956 ne s'y est pas trompé, comme en atteste l'image tirée du générique de Gervaise. |
Ainsi donc, la présentation de l'espace sert, tout autant qu'à créer une illusion référentielle, à nous dire les enjeux du roman et à programmer symboliquement la destinée commune de Gervaise et Coupeau.
On pourrait étudier de façon semblable l'importance structurante et symbolique de l'espace dans le Père Goriot de Balzac. L'ouverture du roman et son excipit permettent de percevoir qu'il fournit des clés de lecture essentielles. La pension Vauquer, sise rue Neuve Sainte-Geneviève, se situe dans un espace social intermédiaire, à l'opposé du faubourg Saint-Germain (là où réside l'ancienne aristocratie, dominante avant 1789) et à l'écart des nouveaux beaux quartiers où habite la bourgeoisie désormais puissante par son argent. Eloignée aussi des quartiers populaires comme des barrières, elle est voisine du quartier Latin (i.e. le monde des étudiants). Cet espace qui permet une relative mixité sociale donne à Eugène de Rastignac une «base de lancement» pour tenter se faire une place au soleil. L'image est d'ailleurs sollicitée par le texte qui souligne la pénombre ou l'humidité de la pension de famille comme le manque de lumière de la rue :
"Elle est située dans le bas de la rue Neuve-Sainte-Geneviève, à l'endroit où le terrain s'abaisse vers la rue de l'Arbalète par une pente si brusque et si rude que les chevaux la montent ou la descendent rarement. Cette circonstance est favorable au silence qui règne dans ces rues serrées entre le dôme du Val-de-Grâce et le dôme du Panthéon, deux monuments qui changent les conditions de l'atmosphère en y jetant des tons jaunes, en y assombrissant tout par les teintes sévères que projettent leurs coupoles. (...) L'homme le plus insouciant s'y attriste comme tous les passants, le bruit d'une voiture y devient un événement, les maisons y sont mornes, les murailles y sentent la prison."
L'espace central du roman est d'une certaine façon emblématique des conflits et des partages du pouvoir à trancher qui caractérisent la société de la Restauration en 1819. Le départ d'Eugène qui quitte la pension et le quartier explicite sa réussite sociale, son ascension. Quant à Goriot, ruiné, qui finit sa vie dans l'échec et l'abandon, il ne peut que disparaître au père Lachaise !
ORGANISATION DE L'ESPACE
Pour la dégager et l'interpréter, il faut construire une grille de lecture mettant en jeu des oppositions symboliques et fondamentales, souvent binaires :
Un petit exemple de lecture ? Dans le « Petit Chaperon Rouge» de Perrault, l'espace s'organise sur une distribution village / forêt, opposant un monde humain, familier et rassurant, à un ailleurs inquiétant, un monde sauvage ou primordial . En effet, on y rencontre des animaux féroces, des monstres, même s'il y a encore des bûcherons protecteurs aux lisières. La dimension symbolique de l'espace transparaît plus encore dans les versions orales d'origine populaire qui opposent deux chemins contraires pour aller chez la mère-grand : chemin des aiguilles/ chemin des épingles, chemin des pierres/ chemin des ronces ou encore chemin des pierrettes/ des épinettes. On observera aussi que la maison de la grand-mère est à l'écart du village, "par delà le moulin", dit Perrault. On peut y comprendre que l'on se retrouve sans doute dans un espace primitif où l'homme ne mange pas encore de farine, de blé et de pain donc ; le cannibalisme s'y pratique encore : la chair et le sang de la mère-grand s'y consomment en lieu de pain et de vin ! Certains même y voient à travers les ailes du moulin — qui forment comme une croix — ou avec le motif du pain eucharistique un symbole d'un espace extérieur/ antérieur au monde chrétien. Quoi qu'il en soit, l'aspect symbolique de l'environnement est tangible. Pour le traverser, il vaut mieux un viatique donc. Sur un plan culturel, observons que la forêt, comme la montagne, fait encore peur en France au XVIIème siècle, Rousseau et les Romantiques ne sont pas encore passés par là ! La forêt est ainsi le monde de l'aventure, du danger : on y rencontre des animaux sauvages, des loups, des brigands, des charbonniers et des sorcières, figures inquiétantes dans l'imaginaire collectif. Dans les Contes de l'enfance et du foyer des frères Grimm, comme l'a observé J.M. Gilllig, la Forêt occupe un rôle bien plus important que chez Perrault qui a tendance à rationaliser en réduisant les éléments surnaturels et les motifs païens. |
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Autre exemple : Candide de Voltaire.
L'espace peut être situé brièvement ou décrit, plus ou moins systématiquement, surtout à partir du XIX ème. Cela peut se faire par un tableau, statique et méthodique (cf. chapitre Description), ou une narration qui prendra en charge des éléments descriptifs concernant le paysage, le cadre, en le faisant parcourir et découvrir par un personnage ; dans ce cas le descriptif est dynamique. C'est un excellent procédé pour narrativiser, en quelque sorte, la description de l'espace.
Comme dans le langage cinématographique, différents procédés descriptifs de l'espace existent :
Lorsque l'espace est découvert par un personnage, on peut souvent dégager la structure, la matrice suivante, décrite par Ph. Hamon :
un personnage + notation d'une pause + verbe de perception + notation d'un milieu transparent + objet à décrire.
Exemple : Les hommes... lorsque les danses s'arrêtaient... pouvaient apercevoir à travers les vitres... quelques clochers. (Mme Bovary)
ESPACE DE L'HISTOIRE / ESPACE DU DISCOURS
Certains analystes comme Seymour Chatman, in Story and Discourse: Narrative Structure in Fiction and Film, sur le modèle de l'opposition temps de l'histoire / temps du discours ont essayé de conceptualiser une opposition espace de l'histoire/ espace du discours, intéressante pour étudier certains récits.
- L'espace de l'histoire présente ou décrit l'environnement spatial, le cadre de chaque épisode de l'histoire racontée ; plus globalement, c'est l'ensemble constitué par les environnements où s'accomplissent les actions et les événements.
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L'espace du discours évoque ou décrit l'environnement
du narrateur, situé dans un espace particulier, à un moment particulier
(i.e. le moment de la narration) ; c'est l'ensemble des environnements dans
lesquels l'acte de narration s'effectue. Naturellement, dans bien des cas, quand
le narrateur reste une voix anonyme, quand nous ne savons pas qui il est exactement,
où il se trouve, quand il parle ou écrit, nous ne savons rien
de significatif sur cet espace du discours.
Mais assez souvent dans des récits fantastiques, par
exemple, ou dans certains textes modernes, ce sont des hôpitaux, des salles
d'urgence psychiatrique... qui servent de cadre au discours, comme pour L'attrape-coeurs
de J.D. Salinger ou Le tambour de Günter Grass. Dans l'oeuvre
de Salinger, Holden se trouve ainsi dans un hôpital psychiatrique ; tout
le récit est fait sous la forme d'une rétrospection. Mais le lecteur
ne découvre cela qu'à la fin du roman. De
même, la nouvelle « La chevelure » de Maupassant place le
cadre de la lecture d'un cahier entre les murs d'une cellule, dans une clinique
psychiatrique. La version n°1 du « Horla » commence également
dans le cadre d'une maison de santé, dirigée par le docteur Marrande
; on va y découvrir avec le narrateur premier un cas pathologique à
travers le discours d'un malade qui va raconter son expérience étrange.
Dans de nombreux textes fantastiques, toutefois, le cadre de la narration s'installe dans un contexte réaliste très ordinaire, auquel les lecteurs peuvent adhérer aisément. Cela sert à les préparer à accepter l'intrusion de l'anormal, avec l'irruption du surnaturel qui va suivre dans le récit. L'illusion réaliste est nécessaire pour donner de la vraisemblance au texte et pour le fonctionnement spécifique du fantastique, conçu comme irruption intempestive du surnaturel dans un cadre normal avec hésitation devant le statut à lui donner. L'hésitation du lecteur et celle du personnage narrateur devant le caractère du surnaturel sont nécessaires, comme l'ont constaté Caillois ou Todorov ou comme l'a pressenti Maupassant dans un article du Gaulois. Ainsi, dans la version n°2 du « Horla », le début du texte reflète une situation tranquille dans un espace de quiétude pour le narrateur qui y écrit au fil des jours son journal intime ; le cadre pose un confort bourgeois dans une Normandie assez idyllique. L'espace semble traduire la stabilité (apparente et fragile), le bon sens du personnage narrateur.
Ainsi, nous pouvons quelquefois découvrir l'espace, le cadre dans lequel le narrateur écrit son livre, son manuscrit, son journal, par exemple, ou raconte son histoire à un narrataire. Dans l'autobiographie, il arrive fréquemment que nous découvrions comment, quand, où se produit par l'écriture le texte relatant les souvenirs. Nous lisons ainsi des informations sur le lieu de l'écriture, voire de la réécriture ; l'espace et le cadre d'où s'entreprend la rétrospection sur la vie passée sont souvent évoqués. On peut observer que cela explicite le processus de production du texte et que cela sert à témoigner en quelque sorte de l'authenticité de l'auteur. Mais cela peut prendre assurément une valeur symbolique comme le montre l'extrait suivant de Sartre — ou encore Chateaubriand. L'espace d'écriture apparaît alors comme une fenêtre ouverte : ouverte sur le monde présent comme sur le passé ou fenêtre ouverte par souci de transparence pour les lecteurs, promesse de dévoilement ?
« Aujourd'hui,
22 avril 1963, je corrige ce manuscrit au dixième étage
d'une maison neuve: par la fenêtre ouverte, je vois un
cimetière, Paris, les collines de Saint-Cloud, bleues. C'est
dire mon obstination. Tout a changé, pourtant. Enfant, eussé-je
voulu mériter cette position élevée, il faudrait
voir dans mon goût des pigeonniers un effet de l'ambition, de la
vanité, une compensation de ma petite taille. Mais non; il n'était
pas question de grimper sur mon arbre sacré: j'y étais,
je refusais d'en descendre; il ne s'agissait pas de me placer au-dessus
des hommes: je voulais vivre en plein éther parmi les simulacres
aériens des Choses. Plus tard, loin de m'accrocher à des
montgolfières, j'ai mis tout mon zèle à couler bas:
il fallut chausser des semelles de plomb. Avec de la chance, il m'est
arrivé parfois de frôler, sur des sables nus, des espèces
sous-marines dont je devais inventer le nom. D'autres fois, rien à
faire: une irrésistible légèreté me retenait
à la surface. Pour finir, mon altimètre s'est détraqué,
je suis tantôt ludion, tantôt scaphandrier, souvent les deux
ensemble comme il convient dans notre partie: j'habite en l'air par habitude
et je fouine en bas sans trop d'espoir.» |
Chez Chateaubriand,
dès l'ouverture des Mémoires l'espace de l'écriture
est assimilé à celui d'une ascèse : c'est un cadre propice
à la méditation. La mise à l'écart de l'espace social
et politique qui permet d'écrire est appuyée. Chateaubriand se
met ainsi en scène dans un lieu de solitude, dans un refuge propice au
recueillement : les images de la chartreuse, du désert
érémitique, de la cellule monastique s'imposent. Mais
c'est aussi un lieu qui se transforme comme un jardin à cultiver,
à l'instar du propos de Voltaire cité. L'espace de l'écriture
ouvre en quelque sorte sur l'espace du texte, du manuscrit à construire,
qu'il faut faire grandir comme les arbres.
« En traçant ces derniers mots, ce 16 novembre 1841, ma fenêtre, qui donne à l'ouest sur les jardins des Missions étrangères, est ouverte : il est six heures du matin j'aperçois la lune pâle et élargie, elle s'abaisse sur la flèche des Invalides à peine révélée par le premier rayon doré de l'Orient : on dirait que l'ancien monde finit, et que le nouveau commence. Je vois les reflets d'une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne me reste qu'à m'asseoir au bord de ma fosse ; après quoi je descendrai hardiment, le crucifix à la main, dans l'éternité.» |
La fin des Mémoires d'Outre-tombe est aussi profondément symbolique : l'espace de l'écriture devient ouverture sur le ciel, sur l'Orient — Ex oriente lux ! C'est aussi un moment de conjonction : la boucle du passé est bouclée et le temps de l'histoire rejoint celui de la narration. Au bout du voyage, l'ultime espace qui reste à parcourir à l'auteur sur Terre est celui de la fosse où descendre. Mais c'est doublement une promesse d'immortalité : Chateaubriand va rejoindre l'éternité divine et fixer dans la pérennité son texte monument, tel le poète Horace (Exegi monumentum aere perennius).